L’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature : pratiques, perceptions et implications pour la GRH
Dans un contexte d’intensité du recours à l’écrit, les organisations ont un besoin croissant de compétences de communication écrite et plébiscitent donc les compétences orthographiques de leurs salariés, composante essentielle de l’écrit professionnel. Pourtant, l’étude de la littérature confirme une baisse significative des performances des élèves en compétences orthographiques. Ce problème initialement circonscrit au domaine scolaire devient donc aujourd’hui une préoccupation pour les organisations, tant les déficiences orthographiques sont sources de conséquences négatives. Elles peuvent en effet s’appréhender comme des coûts directs (coûts de remédiation et de formation), des coûts cachés (notamment en termes de baisse de productivité consécutive à la nécessaire révision des documents rédigés par les collaborateurs). Par ailleurs, les fautes sur les sites Internet induisent des perceptions négatives des consommateurs en termes de qualité perçue du site, de fiabilité et de crédibilité perçues de l’organisation, et même en termes d’intentions d’achat. Lors du recrutement, c’est au cours de la phase de présélection que les recruteurs se trouvent confrontés à ces déficiences. Peu d’études académiques ont analysé l’impact des fautes contenues dans le dossier que ce soit sur les perceptions ou les décisions des recruteurs.
Le travail de cette thèse cherche à rendre compte de la façon dont les compétences orthographiques sont jugées en contexte francophone par les recruteurs au cours de cette phase. Les perceptions de justice des candidats à l’embauche interviennent quand la décision de présélection est fondée sur le critère de la qualité orthographique du dossier de candidature.
L’expérimentation a consisté à collecter des données auprès de candidats à l’embauche et de recruteurs et fait l’objet de deux études : une étude des données qualitatives à partir de restitutions verbales obtenues grâce à la méthode des protocoles verbaux auprès de 20 recruteurs ; une analyse mixte, combinant un traitement des données quantitatif puis lexical après de 422 candidats et 536 recruteurs.
Les résultats obtenus ont permis de mettre en lumière l’impact des fautes sur l’appréciation des dossiers de candidature en termes d’attributions formulées et sur la décision de présélection des recruteurs (un dossier présentant une expérience professionnelle importante et des fautes d’orthographe a, par exemple, 3.1 fois plus de chances d’être rejeté qu’un dossier sans fautes, à expérience égale).
L’analyse thématique a montré que la compétence orthographique n’apparaît pas pour les recruteurs comme une simple compétence relevant seulement de la maîtrise d’un savoir-faire technique ou linguistique ; elle représente selon eux une réelle compétence sociale, relationnelle, relevant du savoir-être. Ne pas la maîtriser serait selon eux un indice de refus d’adhésion à l’autorité, d’une incapacité à interagir efficacement au plan professionnel. Des variables modératrices de la relation entre les fautes et l’évaluation des dossiers de candidature incorporent le niveau en orthographe du sujet, sa génération d’appartenance, son statut de recruteur ou de candidat. L’échelle de Steiner & Gilliland (1996) dédiée initialement à l’évaluation de techniques de sélection a été transposée de façon à évaluer deux critères de présélection. Les résultats indiquent que les candidats considèrent plus juste l’usage du critère de l’orthographe pour présélectionner une candidature, que celui de l’expérience.
Date de soutenance : le 16 octobre 2015
COMPOSITION DU JURY :
Madame Line BERGERY, Maître de Conférences HDR – Université de Toulon
Madame Cécile DEJOUX, Professeur des Universités – Conservatoire National des Arts et Métiers
Madame Catherine VOYNNET-FOURBOUL, Maître de Conférences HDR – Université Panthéon-Assas
Monsieur Karim MIGNONAC, Professeur des Universités – Université Toulouse 1 Capitole
Monsieur Vincent CHAUVET, Professeur des Universités – Université de Toulon
Monsieur Dirk STEINER, Professeur des Universités – Université de Nice-Sophia Antipolis
L’auteur de cette thèse Christelle MARTIN-LACROUX
Est chef du département Techniques de Commercialisation à l’IUT de Toulon, au sein de l’Université de Toulon, elle enseigne depuis 2002 au sein du département Techniques de commercialisation. Elle a publié les articles suivants :
- MARTIN-LACROUX, C. (2015). L’évaluation des compétences orthographiques lors du processus de recrutement : une analyse expérimentale des décisions et des discours d’un échantillon de recruteurs. La Revue des Sciences de Gestion, article accepté pour publication prévue fin 2015.
- MARTIN-LACROUX, C. (2015). La prise en compte des fautes d’orthographe dans les dossiers de candidature par les recruteurs : une étude empirique par la méthode des protocoles verbaux. Revue @grh, n°14, vol. 1, p. 73-97.
- MARTIN-LACROUX, C., LACROUX, A., BEN LARBI, S. (2015). Analyse typologique du profil des entreprises nord-américaines en matière de diversité : un autre regard sur le lien diversité-performance. Revue RIMHE, n°15, p. 43-65.